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Clovis Thorel : Biographie

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Clovis Thorel

Né le 28 avril 1833
Décédé le 20 novembre 1911
Botaniste, explorateur et médecin
Spécialiste de la flore d'Indochine.

Les vertes années de Clovis Thorel (1833-1850)

Clovis Thorel est né le 28 avril 1833 à Hébécourt (Somme) dans une famille profondément royaliste, malgré le contexte post-révolutionnaire et des origines très modestes. Il a deux frères, Benjamin et Casimir.

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Louis XVI et Louis XVII.

Son prénom est un hommage aux rois de France, la tradition familiale voulant que ce soit le cas pour au moins un des enfants. Le père de Clovis Thorel se nomme ainsi Charlemagne. Son grand-père se nomme Louis-Charles en hommage à Louis-Charles de France, fils aîné de Louis XVI, plus connu sous le titre « Louis XVII ». Toutefois, révolution de 1789 oblige, c'est sans avoir régné que Louis XVII mourut en prison en 1795 à 10 ans.

Du côté paternel, l'installation à Hébécourt remonte au grand-père de Clovis Thorel, un paysan venu s'installer durant sa jeunesse. Du côté maternel, Hébécourt est le village familial depuis si longtemps que l'on ignore à quand remonte l'arrivée de la famille.

Clovis Thorel vit une enfance sans histoire. Scolarisé le jour, il apprend quelques rudiments du jardinage et de la botanique dans son temps libre, s'appuyant sur les origines paysannes de sa famille. Son père a toutefois changé de voie, d'abord soldat de l'Empire, il devient ensuite ouvrier à la fabrique de velours de coton.

Jardinage, botanique, Amiens... une rencontre ! (1850-1855)

Plutôt doué à l'école, comme son frère Benjamin, ses parents souhaitent qu'il fasse carrière dans le commerce. Mais en 1850, il fait une rencontre qui change le cours de son existence. Habitué du Jardin des plantes d'Amiens, il y croise régulièrement un jeune homme avec lequel il se lie d'amitié, étudiant en médecine et féru de jardinage dont le feu sacré est contagieux. Après des journées entières à discuter médecine avec lui, Clovis Thorel décide de se lancer à son tour.

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Napoléon

C'est ainsi que Clovis Thorel annonce à 17 ans à sa famille qu'il souhaite devenir médecin. Alors qu'il attendait une réaction enthousiaste, il récolte au contraire une réprobation vive, ses parents voyant la médecine comme une profession destinée aux privilégiés. En réalité, ils auraient eu raison au siècle précédent, la médecine était alors en effet, à quelques exceptions près, le pré carré de la noblesse, de la grande bourgeoisie et des religieux. Mais à partir du Consulat (1799-1804) qui marque l'arrivée au pouvoir de Napoléon, la médecine a entamé une lente mais véritable démocratisation.

Jusqu'au début du XIXe, l'espérance de vie en milieu rural est bien plus basse qu'en ville. Au-delà des conditions de vie, il y a le refus des médecins d'exercer à la campagne. Les paysans se contentent de charlatans en tout genre, rebouteux, guérisseur et autres sorciers. Or, Napoléon ayant de grands projets militaires, il sait qu'il aura besoin des milieux ruraux pour muscler l'armée française. Il entreprend alors des réformes, notamment la création du diplôme d'État dont l'obtention est indispensable à l'exercice de la médecine. L'externat de médecine voit le jour, une formation directement en milieu hospitalier dont l'admission se fait par concours et qui est une alternative à la formation universitaire, trop coûteuse pour le commun des mortels. Napoléon ouvre ainsi les études de médecine aux milieux modestes, externes et universitaires se rejoignant au moment de l'internat. D'autre part, il crée l'« officier de santé ». Le plus souvent, il s'agit d'un étudiant en médecine qui échoue et devient officier de santé, l'examen étant moins élitiste. Concrètement, c'est un médecin presque comme les autres, à ceci près qu'il ne peut pratiquer la chirurgie qu'à titre d'assistant et qu'il est limité au département que l'État lui attribue, département qui est le plus souvent... rural. Si les campagnes n'héritent pas avec eux de la fine fleur du corps médical, il s'agit tout de même d'un très grand progrès: les malades sont enfin soignés, la mortalité infantile diminue sensiblement et l'espérance de vie commence à augmenter.

Déterminé, Clovis Thorel va contre l'avis de ses parents et entame ses études de médecine, financées grâce à un emploi de préparateur en Chimie.

L'étudiant (1855-1866)

En 1855, alors que Clovis Thorel est encore étudiant, son père décède. Afin de se rapprocher de sa mère, il quitte l'université et devient « externe » (voir plus haut) à l'hôpital d'Amiens. C'est dans ce même hôpital qu'il effectuera son internat.

Suite au décès de sa mère en 1861, Clovis Thorel s'engage comme chirurgien auxiliaire (n'étant pas encore médecin attitré) de 3e classe dans la Marine. Il est immédiatement affecté en Cochinchine (province du Viêt Nam) sur la canonnière « la Mitraille » et participe à des patrouilles sur le fleuve Mékong. En 1862, il est nommé secrétaire du conseil de santé de la colonie et travaille à l'hôpital de Saïgon. Dès qu'il a un peu de temps libre, il le consacre à l'exploration des environs, récoltant quelques 1500 spécimens d'espèces différentes de plantes. Il commence alors à se faire connaître comme botaniste. En 1864, son chef de service hospitalier, Lallumeaux d'Ornay, écrit à son sujet « quoique peu fortuné, il a consacré toutes ses économies à faire venir de France les ouvrages qui le mettent à même de compléter la flore du pays ».

En 1865, Clovis Thorel est nommé membre titulaire du comité agricole et industriel de la Cochinchine.

L'expédition (1866-1868)

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La Mitraille

En juin 1866, c'est le grand départ pour un voyage d'exploration dirigé par le capitaine de frégate Ernest Doudard de Lagrée. Clovis Thorel étant à la fois compétent dans le médical et la botanique, il est un candidat particulièrement intéressant. Le but de cette expédition est de localiser une liaison fluviale entre la Chine du Sud et la Cochinchine par le fleuve Mékong. Il fallait également recueillir des données géographiques, météorologiques, hydrographiques, zoologiques, anthropologiques, agricoles et botaniques sur les contrées explorées.

Le périple débute par les temples d'Ankhor. Il se poursuit plus dangereusement à travers le Laos, le Siam, la Birmanie et le Yunnan, où guerres tribales, pirates et musulmans en font des zones de non-droit. Pour la première fois de l'histoire, des Occidentaux se rendent en Chine par la route du Sud (sans passer par Pékin). Après diverses péripéties, dont plusieurs qui auraient pu très mal finir, l'expédition atteint Shanghai en juin 1868. En tout, 8800 kilomètres ont été parcourus, dont 2400 à pied. Les chaussures étaient à tel point usées que les explorateurs furent contraints de marcher pieds nus dans plusieurs centaines de kilomètres d'herbes coupantes, de cailloux pointus, de rivières chargées de sangsues et autres cols enneigés. Le chef de l'expédition, Ernest Doudard de Lagrée, n'y survivra pas.

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François Gagnepain

Mais toutes ces embûches, ces souffrances et la fatigue n'empêchent pas Clovis Thorel d'enrichir son herbier. Un tel acharnement suscitera plus tard l'admiration de botanistes comme François Gagnepain (1866-1952), président de la « Société botanique de France », qui rendra hommage en 1908 à « la sagacité du botaniste expérimenté et de l'excellent collecteur ».

En 1868, bientôt de retour en France, Clovis Thorel apprend sa nomination comme chevalier de la légion d'honneur.

Retour aux pays (1868-1891)

Le 7 mars 1870, Clovis Thorel soutient sa thèse de doctorat en médecine: « Notes médicales du voyage d'exploration du Mékong ». Dans cette thèse, il répertorie les maladies fréquentes dans ces pays, suggère des mesures d'hygiène pour les affronter et décrit les plantes indigènes et leurs propriétés médicinales. Thèse qui lui fait gagner ses galons de médecin.

Clovis Thorel quitte la Marine en juillet 1871, se marie et ouvre un cabinet médical dans le XVIe arrondissement de Paris. En plus de ses patients, il se consacre aux parisiens les plus pauvres, offrant ses services au bureau de bienfaisance.

En 1873, Clovis Thorel est chargé de rédiger le volet ethnographique du compte-rendu de l'expédition. Les us et coutumes des populations rencontrées y sont analysées, ainsi que leurs caractères morphologiques.

Clovis Thorel rédige en 1874 le volet « agriculture et botanique », dans lequel il met l'emphase sur le rôle de la structure sociale dans la prospérité des agriculteurs. Il y expose l'importance de la propriété de la terre à celui qui la cultive pour assurer son développement ininterrompu à travers les générations. À l'époque, un tel argumentaire fait mouche, renvoyant dos à dos deux théories qui s'affrontent:

  • La propriété collective des terres
  • La propriété concentrée dans une classe possédante

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Karl Marx

En d'autres termes, Clovis Thorel sort de son placard marxiste et se positionne sur la lutte des classes. Il le fait à une époque où Karl Marx est aussi vivant que controversé, a fortiori dans son milieu bourgeois, la médecine, où un tel positionnement est très mal vu.

Dans les années qui suivent, Clovis Thorel se lance dans des travaux de recherche dans le domaine de la botanique, espérant publier une flore d'Indochine. Malheureusement, il sera finalement contraint, faute de moyens financiers pour ce projet qui coûte cher, à y renoncer.

Les dernières années de Clovis Thorel (1891-1911)

Les deux dernières décennies de Clovis Thorel sont consacrées à Bagnoles-de-l'Orne.

Les stations thermales connaissent une vraie croissance à partir du milieu du XIXe. À l'époque, ces stations sont des lieux très en vogue au sein de l'élite. On trouve tendance d'aller se ressourcer au sein de la nature sans pour autant renoncer au luxe le plus tapageur. Les classes populaires et même une bonne partie de la bourgeoisie n'y avaient pas accès, contrariant sans doute beaucoup les idées marxistes de Clovis Thorel. Afin de montrer de quel public il s'agit, Bagnoles-de-l'Orne était une station qui accueillait le Roi et la Reine de Roumanie, le Prince Carol, le Prince Pierre de Monténégro, le Prince Georges de Grèce, le Duc et la Duchesse de Connaught, le Maréchal Pétain, le Général Nivelle, la Baronne de Rothschild, la Princesse Bibesco, Marie Laurencin, Édouard Herriot, Eugène Lefèvre-Pontalis, Alexandre Dumas, la Maharani de Kapurthala etc.

Clovis Thorel y voyait malgré tout un vrai potentiel médical et est l'un des premiers médecins français à s'être intéressé sérieusement à la question.

En 1900, Clovis Thorel publie « Code médical du baigneur de Bagnoles » avec la collaboration de son confrère le docteur Raoul Vaucher. Il décrit les propriétés des eaux de la grande source et les divers maux qu'elle peut soulager.

À partir de 1900, Clovis Thorel se lance dans une étude plus poussée et théorise sur le mode d'action de ces eaux. Selon lui, l'élément clé se trouve dans des micro-organismes dont la présence est favorisée par les minéraux et la température de l'eau.

En 1906, Clovis Thorel fait don de son herbier de 9 volumes manuscrits décrivant 4203 espèces au Muséum national d'histoire naturelle de Paris.

Clovis Thorel développe sa théorie sur le mode d'action des eaux thermales dans un manuscrit à peine achevé lorsqu'il décède en 1911 à 78 ans. Bien que n'ayant pas officiellement été publiée, sa théorie circule et suscite de l'intérêt. Des décennies plus tard, elle servira même de point de départ pour le lancement de nouvelles recherches sur le sujet.

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Publié par sur Jardin Secrets le 28-09-2014

Commentaires des internautes

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Bonjour

Votre article sur Clovis Thorel me semble bien documenté SAUF sur le royalisme de sa famille. Cela ne peut se fonder sur son prénom et celui de son père. Quant à son grand-père, il a été baptisé bien avant la naissance du dauphin fils de Louis XVI. Je n'ai trouvé aucune allusion à ce royalisme dans les recherches que j'ai faites sur ce personnage de ma famille. Cependant je suis prêt à examiner les sources qui vous permettent cette affirmation...

Cordialement.

pthorel | 12-11-2019 à 16:05:46 | Répondre