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Georges Delbard : Biographie

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Georges Delbard

Né le 20 mai 1906
Décédé le 20 mars 1999
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Créateur des Pépinières et roseraies Georges Delbard.

Les vertes années de Georges Delbard (1906-1929)

Georges Delbard est né le 20 mai 1906 à Commentry (Allier).

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Christophe Thivrier et sa fameuse blouse bleue.

Commentry a la particularité d'être la toute première ville à élire un maire « socialiste » en 1882, Christophe Thivrier, à une époque où le socialisme est véritablement une mouvance populaire incarnée par des hommes issus du monde ouvrier. Avant d'être élu maire, Christophe Thivrier avait déjà été élu conseiller municipal en 1874 et sera élu député de l'Allier en 1889, il provoquera d'ailleurs un scandale en se présentant à l'Assemblée Nationale en blouse bleue d'ouvrier.

Issu d'une famille modeste d'agriculteurs, Georges Delbard apprend dès son plus jeune âge le jardinage, le travail de la terre et la culture des plantes. Son instruction est celle d'un enfant d'agriculteurs au début du XXe siècle, essentiellement pratique, à l'image de Pierre Mathurin Golletais, Joseph Monier ou Charles Plumier.

Les plantes fleuries sont d'abord celles qui intéressent Georges Delbard. Il utilise sa connaissance du jardinage pour cultiver un petit lopin de terre proche de la ferme familiale, les plus belles plantes des environs y poussent, plantées par le jeune jardinier qui les sélectionne avec soin.

À 16 ans, après avoir obtenu son certificat d'études, il devient employé de bureau aux forges de Commentry. Sa paye étant misérable, il arrondit ses fins de mois en vendant sur le marché la production de sa petite pépinière improvisée.

Les débuts dans le jardinage avec Georges Truffaut (1929-1935)

En 1929, à 23 ans, Georges Delbard devient l'un des horticulteurs de la première jardinerie Truffaut, créée deux ans plus tôt par Georges Truffaut, grande personnalité du monde du jardinage.

Intéressé de longue date par les arbres fruitiers, Georges Delbard profite de son passage chez Truffaut pour s'adonner à la culture de l'abricotier ou encore à la la culture du cassis. Ce nouvel emploi est également idéal pour son autre passion: les roses.

Il s'investit beaucoup et n'hésite pas à faire preuve d'initiative, au point de commencer à faire de l'ombre à son supérieur direct. Les relations entre les deux hommes se tendent à mesure que les années passent, jusqu'au jour où, craignant que Georges Delbard ne finisse par le remplacer, son chef le congédie.

Victime d'une injustice flagrante, désargenté, Georges Delbard vit difficilement les mois qui suivent.

Pépinières et roseraies Georges Delbard (1935-1939)

La traversée du désert de Georges Delbard sera toutefois de courte durée. Après quelques mois de déclin, il sollicite l'aide de ses amis pour créer sa propre jardinerie.

Grâce à son passage chez Truffaut, cet autodidacte du jardinage est devenu un vrai professionnel de l'horticulture et un commerçant aguerri. De plus, observateur, Georges Delbard a bien assimilé comment gérer une entreprise.

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Joséphine Baker

Georges Delbard peut également compter sur une clientèle prestigieuse qu'il a servie durant des années et qui serait ravie de le retrouver, des clients réguliers avec lesquels il avait su créer des liens et qui déploraient son absence. Par exemple, la meneuse de revue franco-américaine Joséphine Baker (1906-1975), généralement considérée comme la première « vedette » noire de l'histoire.

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Amélie d'Orléans

Il a également Amélie d'Orléans (1865-1951) comme cliente, fille du comte de Paris et reine du Portugal jusqu'à la proclamation de la république en 1910.

Ainsi armé d'arguments convaincants, Georges Delbard obtient de ses proches les fonds nécessaires pour se lancer dans les affaires. C'est en 1935, quelque peu revanchard, qu'il inaugure sa jardinerie située à quelques mètres de celle dont il fut limogé. Dans un premier temps, il commercialise des semences potagères, toutes sortes d'accessoires de jardinage et autres produits de jardin.

Dans les mois qui suivent son ouverture, en même temps que la jardinerie de Georges Truffaut, la jardinerie de Georges Delbard se lance dans la vente par correspondance. Parallèlement, il innove dans sa façon de vendre avec des produits mis en scène et en libre-service, ayant bien compris, comme Aristide Boucicaut et « Au bon marché » quelques décennies plus tôt, qui fit par ailleurs la fortune du spécialiste des roses Jules Gravereaux, que le commerçant doit donner envie aux clients d'acheter.

Après quelques années, Georges Delbard est à la tête d'une jardinerie florissante qui génère d'importants bénéfices.

Seconde Guerre Mondiale (1939-1945)

En 1939, alors que la Seconde Guerre Mondiale éclate, Georges Delbard part mettre sa femme à l'abri en zone libre. Une employée de sa jardinerie assure l'intendance en son absence.

À son retour quelques mois plus tard, Georges Delbard se met peu à peu à jouer un rôle majeur en temps de guerre. Il devient l'un des principaux fournisseurs de semences potagères des parisiens, qui, bien obligés de se mettre au jardinage pour survivre à un rationnement de plus en plus drastique, transforment jardins et balcons en potagers. En plus de leur procurer les semences, il doit aussi s'improviser pédagogue et leur expliquer comment cultiver des pommes de terre, comment faire pousser des poireaux, les différentes façons de traiter les ennemis de culture de l'oignon ou encore le buttage des haricots verts.

À partir de 1942, Georges Delbard développe considérablement le volet pépinière de la jardinerie, jusque là très symbolique. Pour ce faire, il acquiert une grande exploitation fruitière et peu à peu, de nombreux arbres fruitiers renforcent son commerce, du pommier en passant par le prunier, l'amandier, le citronnier, le myrtillier ou encore l'oranger amer. Mais ce sont surtout les pommiers et les poiriers qui l'intéressent et qui feront son succès.

Georges Delbard se lance ensuite dans l'édition d'un catalogue de graines grâce auquel il développe ce secteur d'activité et devient l'un des plus importants fournisseurs en France. Dès 1944, grâce à l'achat d'une ensacheuse automatique de marque « Colibri », il peut fabriquer 3500 sachets à l'heure. Il fournira bientôt plus de 3500 jardineries en France.

Après les arbres fruitiers, sa passion pour les roses le conduit, en 1945, à acheter une ferme sur laquelle il crée une pépinière de rosiers de plusieurs hectares.

Un premier livre sur le jardinage (1945-1960)

Georges Delbard travaille sur un catalogue en couleur d'arbres fruitiers afin d'accroître ses ventes. L'éditeur contacté pour le projet est dubitatif quant aux retombées potentielles, il lui suggère d'écrire plutôt un livre illustré sur le jardinage qui ferait la part belle à la culture des arbres fruitiers, croyant davantage dans une promotion indirecte qui peut toucher bien plus de gens.

Georges Delbard suit l'idée de son éditeur et se met au travail, mais en optant finalement pour l'autoédition. En 1947, il publie ainsi un premier ouvrage sur le jardinage: « Les Beaux Fruits de France ». Le livre est préfacé par Georges Duhamel de l'Académie française avec deux chapitres introduits par Roger Heim et Léon Cuny, le premier étant directeur du Muséum national d'histoire naturelle, le second un botaniste réputé, membre de la Société botanique de France et contribuant à la prestigieuse « Revue horticole », dont la direction est connue pour ne s'entourer que des meilleurs (Édouard André fut l'un d'eux à une autre époque).

Avant la publication de son livre, Georges Delbard était devenu un sujet de moquerie au sein de la Société Pomologique de France où il était venu présenter les premières épreuves, se heurtant à un auditoire qui trouvait cette idée de photos en couleur de fruits à mourir de rire. Ironie du sort, Les Beaux Fruits de France connaît un succès phénoménal et connaîtra rapidement la même gloire au-delà des frontières. Face aux rééditions qui s'enchaînent, le papier vient même à manquer, restrictions d'après-guerre obligent, Georges Delbard doit obtenir une autorisation spéciale pour se réapprovisionner.

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Louis Chasset

Au même moment, Louis Chasset, membre éminent de la Société Pomologique de France, sort lui-même « Verger français » illustré en noir et blanc. Deuxième ironie du sort, les ventes du livre sont d'un ridicule qui humilie d'autant plus les pomologues face à Georges Delbard.

Une fois ce succès consommé, désireux de mécaniser ses productions dans une France très en retard sur ce plan, Georges Delbard part aux États-Unis pour s'instruire sur la question. Arrivé sur place, il s'étonne des innombrables invitations d'associations dans le jardinage, la botanique, l'agronomie etc. qu'il reçoit, mesurant alors toute la portée de son succès littéraire. Reçu par l'Université de Caroline du Nord (University of North Carolina), le directeur de recherche qui l'accueille lui confie avoir dévoré l'ouvrage et déclare publiquement:

« En matière d'obtention de nouvelles variétés fruitières ou ornementales, il y a plus de possibilités dans le flair du jardinier français que dans l'énorme organisation scientifique de notre station officielle ! »

Galvanisé par son séjour aux États-Unis, Georges Delbard revient en France avec la ferme intention de mettre sur pied un grand programme international d'hybridation fruitière. Il recrute ingénieurs et techniciens et obtient le concours aux États-Unis de la Stark Bro's Nurseries, la plus grande pépinière au Monde. Il lance alors de nombreux chantiers, innove dans les greffes, crée un verger expérimental etc. Sa technique du greffage sur semis de l'année sera d'ailleurs rapidement copiée par ses coreligionnaires. Dans son verger expérimental naissent les poires Fertilia Delbard® delwilmor, Super Comice Delbard® delbias, les pommes Delbard Jubilé® delgollune, Delbarestivale® delcorf etc.

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Centenaire de Lourdes et Soleil d'or.

En 1954, il installe à Evry (Essonne) le Centre de recherche des Roses où naîtront plus de deux cents variétés de roses, démarrant ainsi le volet floral des chantiers initiés depuis son retour aux États-Unis, embauchant le spécialiste des roses André Chabert en 1955 pour le diriger avec lui. André Chabert sera le Monsieur Rose de la maison Delbard, créant avec Georges Delbard la Centenaire de Lourdes, la Soleil d'or etc.

Les roses occuperont l'essentiel de son temps jusqu'au début des années 60. Dans son laboratoire d'une part mais aussi à travers le monde, Georges Delbard n'hésitant pas à aller en Chine ou en Syrie pour étudier les variétés locales.

Jardinage clé en main et grands dirigeants (1960-1980)

Dès le début des années 60, Georges Delbard propose des vergers clé en main. Le client choisit les variétés, conseillé en fonction de la nature de son sol, le climat de sa région etc. et les horticulteurs de la maison Delbard se chargent de tout, incluant la formation nécessaire pour s'occuper au mieux des arbres et gérer les récoltes. S'adressant aux amateurs désireux d'avoir un petit verger pour leur consommation personnelle, comme aux professionnels dont les ambitions s'étendent sur des hectares entiers, cette offre est un immense succès.

Georges Delbard est également, à partir de 1961, régulièrement invité en URSS comme conférencier par l'Académie des sciences agronomiques où ses arrivées sont longuement applaudies.

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Hassan II et Ahmed Ben Bella

Le travail de Georges Delbard suscite même l'intérêt des grands dirigeants, notamment du Maghreb dans un premier temps. Hassan II en personne l'invite officiellement au Maroc afin qu'il dirige une mission sur la politique agricole marocaine. Ahmed Ben Bella, premier président algérien depuis l'indépendance, l'invite également pour la même raison. Tout comme la Libye et la Tunisie. En Europe, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie suivront. En Amérique du Sud, le Brésil.

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Mohammad Reza Pahlavi et Farah Pahlavi.

En 1973, Mohammad Reza Pahlavi, chah d'Iran, offre à Georges Delbard l'affaire de sa vie: 6.000 hectares de vergers à créer, soit 3.500.000 arbres fruitiers. Delbard doit cette opportunité à Farah Pahlavi, l'épouse de Mohammad Reza Pahlavi, qui voue un véritable culte à ses roses.

Parallèlement à cette vie internationale très riche, Georges Delbard continue dans la recherche, plus particulièrement dans l'« assainissement par thermothérapie ». Il a dans ce domaine un concurrent de poids: l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique). Il est d'ailleurs un jour violemment pris à parti par un responsable de l'INRA, celui-ci considérant qu'il n'a aucune légitimité pour conduire des recherches aussi avancées ; à tort visiblement, puisque Delbard sera le premier, et de loin, à disposer d'une chambre de thermothérapie industrielle. Après la Société Pomologique de France, c'est au tour de l'INRA de se ridiculiser.

L'industriel (1980-1986)

Durant toute la décennie 80, grâce à ses recherches sur la culture de tissus méristématiques, la culture de cals ou encore de gamètes, Georges Delbard est le chef de fil incontesté dans la production de rosiers et de porte-greffe fruitiers in vitro. Les spécimens produits dans ses laboratoires sont sans virus, un gage de qualité qui lui assure un succès commercial toujours plus grand.

En 1986, Georges Delbard, 80 ans, publie son autobiographie « Jardinier du monde ».

Les dernières années de Georges Delbard (1986-1999)

Jusqu'à sa mort, fasciné par les progrès dans la génétique et les possibilités qui s'ouvrent à lui, Georges Delbard mènera essentiellement une vie de chercheur. Absorbé par ses nouvelles variétés, sans doute aussi moins intéressé par les grands voyages à son âge, ses déplacements à travers le monde se font rares.

Dans les années 90, il travaille sur un nouvel ouvrage, « Le grand livre de la rose ».

En 1999, Georges Delbard, fils de paysan qui n'avait qu'un certificat d'études, s'éteint à 93 ans après avoir parcouru le monde et dominé l'horticulture à travers toute la deuxième moitié du XXe siècle, laissant un manuscrit qui sera publié en 2002.

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Publié par sur Jardin Secrets le 20-09-2014

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