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Pierre Mathurin Golletais : Biographie

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Pierre Mathurin Golletais

Né le 25 février 1830
Décédé le 21 septembre 1912
Jardinier, arboriculteur
Spécialiste de la taille et l'entretien des arbres fruitiers

Pierre Mathurin Golletais devint le frère Henri en entrant dans les ordres et par commodité fut généralement appelé « Henri Golletais » à partir de là, c'est pourquoi ce texte ne fait pas mention immédiatement du prénom Henri.

Les vertes années de Pierre Mathurin Golletais (1830-1851)

Pierre Mathurin Golletais naît à Illifaut dans une famille de paysans. Son père, Joseph Golletais, est cultivateur et laboureur, sa mère, Jeanne Angèle Jan, est cultivatrice et ménagère. Son enfance à la « Ville Allaire » (la ferme familiale) est une succession de durs labeurs, son père ayant besoin de lui dès son plus jeune âge pour l'aider à travailler la terre et s'occuper du bétail. Il fera ainsi ses premières armes dans le jardinage.

C'est donc à conduire des chevaux, tracer des sillons ou encore garder les vaches que Pierre Mathurin Golletais consacre son enfance. Le dimanche, il accompagne ses parents à la messe avec ses 5 frères et soeurs dont il est le quatrième. Sa famille est très pieuse, ce qui aura à l'évidence une forte influence sur son avenir, à l'image de Charles Plumier, grand botaniste du XVIIe siècle.

Il n'est pas scolarisé et ne bénéficie d'aucun enseignement général à proprement parler. Tout comme le jardinier Joseph Monier, Pierre Mathurin Golletais n'apprend donc pas à lire, ne peut réciter les départements avec leurs chefs-lieux et n'a jamais entendu parler du théorème de Pythagore.

En revanche, il connaît la nature et il la connaît bien. Avec son père il profite d'un grand enseignement pratique dans le domaine agricole et apprend les bases de la botanique.

En 1843, Pierre Mathurin Golletais suit des cours à la métairie de Launay, proche de Saint-Méen-le-Grand. Ce lieu est une création du père Jean-Marie de La Mennais grâce auquel les enfants d'agriculteurs bénéficiaient d'un enseignement agricole, notamment le fonctionnement des techniques modernes d'optimisation initiées par l'agronome Olivier de Serres et d'autres, auxquelles leurs parents n'avaient pas de temps à consacrer. En faisant de ces enfants des cultivateurs mieux formés que les générations précédentes, le père de La Mennais espérait faire reculer la pauvreté grâce à de meilleurs rendements pour ces familles, comptant sur les enfants pour répercuter les cours une fois chez eux.

Cette idée qui consiste à enseigner aux enfants en incluant les parents dans la pédagogie, même de manière indirecte dans le cas présent, semble esquisser les Maisons familiales rurales qui verront le jour un siècle plus tard et qui seront elles-mêmes à l'origine du principe Travail / Études.

L'importance que Pierre Mathurin Golletais accordera le reste de sa vie à l'optimisation des cultures montre à quel point son passage à la métairie de Launay fut marquant.

Pierre Mathurin Golletais devient Frère Henri / Henri Golletais (1851-1854)

En 1851, tout juste majeur, il entre dans les ordres au sein des Frères de l'Immaculée-Conception. Pierre Mathurin Golletais devient Frère Henri ou Henri Golletais.

Henri Golletais s'installe à Rennes à la Pension St Vincent dirigée par l'abbé Bréchat. Fils de fermier, il ne peut s'empêcher de revenir à ses premières amours, sans avoir la prétention d'être le nouveau André Le Nôtre, il s'occupe du jardinage dès qu'il le peut.

Henri Golletais devient jardinier (1854-1860)

Remarquant son investissement dans les jardins, conscient par ailleurs qu'il est le plus compétent sur la question, l'abbé Bréchat lui confie officiellement la responsabilité des jardins en 1854.

En 1856, Henri Golletais devient « chef des cultures », acquérant ainsi la responsabilité de la vaste exploitation, qui comprend des vignes, des centaines d'arbres fruitiers, un immense potager etc.

Sans chambouler l'ensemble, il entreprend déjà quelques modifications et commence à faire parler de lui.

Le jardinier devient membre de la Société Centrale d'Horticulture d'Ille-et-Vilaine (1860-1878)

En 1860, la Société Centrale d'Horticulture d'Ille-et-Vilaine, dont le but est de réunir les jardiniers et exploitants locaux afin que se crée une émulation, chaque membre exposant les modes de culture appliqués à sa propre terre afin que les autres puissent se les approprier, s'intéresse de très près à Henri Golletais. Il lui est alors offert de devenir le cent-cinquantième adhérent de cette institution où se côtoient riches et pauvres, professionnels et amateurs passionnés, vieux et jeunes, avoir la main verte étant le seul véritable critère pour venir parler de jardinage.

En 1866, il chamboule cette fois l'exploitation lorsqu'il décide de la redécouper en 3 jardins distincts:

- Un jardin potager et fruitiers
- Un jardin maraîcher
- Un jardin d'études

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Marché des Lices au XIXe siècle.

Avec son nouveau jardin maraîcher, ses deux grandes serres et ses centaines de châssis, Henri Golletais se lance dans la production intensive avec beaucoup de succès. Le jardin qui servait jusque là à nourrir les élèves de la pension devient une véritable exploitation qui produit d'importants excédents. La pension St Vincent a désormais son emplacement au marché des Lices, grand marché rennais qui a lieu chaque samedi depuis le XVIIe siècle. On y écoule sans difficulté la production.

Henri Golletais profite également de cette réorganisation pour mettre à l'épreuve différentes techniques auxquelles il songe depuis un certain temps, notamment une qui concerne les arbres fruitiers, la « théorie de l'équilibre de la pyramide ». Celle-ci consiste à tailler les branches de sorte que le niveau d'ensoleillement et l'aération des branches fruitières soient optimisés, dans le but évident d'améliorer le rendement.

À sa théorie de l'équilibre de la pyramide, Henri Golletais ajoute:

- Une orientation optimale
- Un bon espacement entre chaque arbre
- Des branches fruitières simples à trois yeux (quatre pour les arbres vigoureux)
- Des palmettes guidées afin de former quatre branches à chaque fois

En tout, ce sont près de 700 poiriers qui sont concernés, avec des pyramides qui font jusqu'à 6 mètres de haut. Il y a aussi des pommiers et des pêchers dont il s'affaire également à améliorer le rendement.

Tous ces aménagements, ces techniques et le succès de l'exploitation qui en découle intriguent de plus en plus de jardiniers des environs. On n'hésite pas à aller voir Henri Golletais pour profiter de sa science du jardinage. Peu à peu, face à la demande, il doit même mettre en place des cours publics dans le jardin d'études, cours qui rencontreront un vif succès.

À la société centrale d'horticulture d'Ille-et-Vilaine, une présentation d'Henri Golletais est toujours un grand moment attendu avec impatience. Certains de ses membres font remonter ses travaux jusqu'à Paris où ce religieux breton commence à intriguer sérieusement.

Le membre de la Société Centrale d'Horticulture d'Ille-et-Vilaine devient écrivain (1878-1887)

Henri Golletais étant illettré, il n'a jamais publié ses travaux, bien incapable de les coucher sur le papier. Mais face au succès, on n'hésite pas à s'organiser pour qu'il puisse le faire, frère Henri a désormais un assistant auquel il dicte le contenu de sa première publication dont le thème est l'arboriculture fruitière.

Elle sort en 1878 et rencontre un véritable succès. Les exemplaires s'écoulent par milliers, une réédition sort l'année suivante, puis l'année d'après et encore. Les critiques de ses confrères jardiniers, même les plus illustres, sont dithyrambiques.

La Société d'horticulture d'Ille-et-Vilaine fait de lui son vice-président et président de plusieurs commissions. Le directeur du Jardin du Luxembourg lui demande de venir donner des cours. La Société nationale d'horticulture l'accueille comme membre. Le directeur de l'École nationale d'horticulture intègre sa méthode aux cours et se fend même d'une déclaration pour le moins flatteuse: « Le plus grand tailleur d'arbres de France n'est ni à Paris, ni à Versailles, il est à Rennes, c'est le frère Henri. ».

Les années s'écoulent et Henri Golletais continue de publier, chacune de ses publications est un événement horticole qui lui amène des distinctions supplémentaires. Il devient membre de l'Association française pomologique et celle-ci le pousse à présenter ses méthodes hors de France, ce sera ainsi pour lui le début d'une reconnaissance internationale.

L'écrivain devient Chevalier (1887-1897)

En 1887, Henri Golletais est fait Chevalier de l'ordre du mérite agricole.

Henri Golletais consacre la décennie suivante à publier, donner des cours et participer à des congrès. Infatigable, il s'occupe également toujours du jardin de la Pension St Vincent dont il ne s'éloigne jamais bien longtemps.

Il sera aussi régulièrement présent dans différents salons et expositions où il sera acclamé et surtout médaillé, 47 fois au total.

Le Chevalier devient Officier, les dernières années de Pierre Mathurin Golletais (1897-1912)

En 1897, Henri Golletais est fait Officier de l'ordre du mérite agricole.

Désormais âgé de 67 ans, il ralentit progressivement ses activités au cours des années qui suivent. La Pension St Vincent redevient peu à peu son occupation principale, les congrès et les expositions le fatiguant de plus en plus.

En 1912, Henri Golletais s'éteint paisiblement à 82 ans. Joseph Guérard, évêque de Coutances et d'Avranches, homme d'Église de renom, tiendra à présider lui-même ses obsèques auxquelles assisteront des jardiniers, diverses personnalités politiques, de nombreux religieux et une foule d'amis et d'élèves. Il sera ensuite enterré dans son village natal, à Illifaut.

En 1999, en hommage au frère Henri, un verger conservatoire est érigé à Illifaut.

En 2012, le centenaire de sa mort donna lieu à une douzaine d'événements en Ille-et-Vilaine, expositions, ateliers de jardinage, conférences et fêtes commémorant l'oeuvre du frère Henri.

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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Jardin Secrets le 20-07-2014

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