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Bernardin de Saint-Pierre : Biographie

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Bernardin de Saint-Pierre

Né le 19 janvier 1737
Décédé le 21 janvier 1814
écrivain et botaniste
Père du service écosystémique

Les vertes années de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1758)

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, communément appelé Bernardin de Saint-Pierre, est né au Havre le 19 janvier 1737.

Son père, Nicolas de Saint-Pierre, est issu de la petite noblesse. Il ne profite cependant d'aucune véritable fortune ou rente familiale, hormis la demeure dont il est l'héritier, travaillant comme directeur des Carrosses et Messageries du Havre. Le réseau des Carrosses et Messageries de France étant l'ancêtre des voies ferrées à une époque bien plus décentralisée qu'aujourd'hui, cette fonction procure à Nicolas de Saint-Pierre, même modestement, le statut de notable. Sa mère, Catherine Godebout, vient de la petite bourgeoisie dieppoise.

Sans venir d'une famille fortunée, Bernardin de Saint-Pierre grandit ainsi tout de même dans un environnent privilégié, il ne manque jamais de rien et reçoit une instruction à la hauteur de ses origines paternelles. Il sait lire dès l'enfance, acquiert une bonne culture générale et étudie le grec et le latin auprès d'un curé à Caen.

Ce n'est toutefois pas sans effort pour ses parents. Capricieux, susceptible, anxieux et paresseux, Bernardin de Saint-Pierre est le plus difficile à élever des quatre enfants. Sa mère doit le pousser en permanence pour que son instruction réussisse et son père peine à lui inculquer le sens des responsabilités.

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Fénelon, Daniel Defoe et saint Augustin

Bernardin de Saint-Pierre est par ailleurs un enfant très rêveur qui lit et relit inlassablement Télémaque de Fénelon, Robinson Crusoé de Defoe, la Vie des saints de saint Augustin etc. Il n'hésite pas à fuguer pour pouvoir lire en paix au bord de la mer, ne se préoccupant guère de l'inquiétude de sa mère et de la colère de son père qui en découleront, trait de caractère que l'on trouve aussi chez le petit Joseph Pitton de Tournefort.

à peine arrivé à l'adolescence, s'étant fait à travers ses lectures une image très romanesque des grands voyages, il demande à accompagner l'un de ses oncles, capitaine de navire, en Martinique ; une zone d'ailleurs chère au botaniste Charles Plumier. Son père accède à sa demande, mais, saisissant l'occasion pour l'aguerrir, à la condition qu'il y aille comme membre de l'équipage et pas comme le neveu du capitaine faisant du tourisme. De retour au Havre, démoralisé par le travail épuisant qu'il dut accomplir à bord du navire, Bernardin de Saint-Pierre est délivré de ses illusions et ne souhaite pas repartir.

Peu de temps après, en 1749, Bernardin de Saint-Pierre repart à Caen pour y être instruit au collège des Jésuites. Passionné et oubliant visiblement son expérience martiniquaise, il se met en tête de partir au loin convertir les barbares au christianisme, même les jésuites le trouvent excessif. Son père ne souhaitant surtout pas le voir replonger pour de bon dans ses fantasmes d'antan, il le retire du collège des Jésuites et l'envoi étudier la philosophie à Rouen. Malgré son jeune âge, la philosophie correspond davantage à ce dont il a besoin, aussi commence-t-il à s'assagir.

En 1757, Bernardin de Saint-Pierre intègre l'école nationale des ponts et chaussées et en sort ingénieur un an plus tard.

L'ingénieur militaire (1758-1762)

L'armée l'enverra alors comme ingénieur à Düsseldorf en 1758. Prix de ses insubordinations répétées et de son caractère associable, il est destitué au bout d'un an environ et retourne au Havre. Hélas, son père s'est remarié entre temps et Bernardin de Saint-Pierre se heurte à une belle-mère déterminée à lui mener la vie dure. Lui-même n'ayant pas un caractère facile, la cohabitation est explosive. Poussé vers la sortie, il ne reste finalement que quelques mois et part à Paris en 1760.

Faute d'avoir eu le temps de préparer son arrivée à Paris, Bernardin de Saint-Pierre arrive sans projet et à peu de chose près désargenté. Se débrouillant les premiers mois pour survivre sur sa bourse, il se retrouve vite à cours de ressource et doit improviser. Il obtient alors sa réintégration au sein de l'armée en tant qu'« ingénieur géographe », celle-ci cherchant désespérément des bras à envoyer sur l'île de Malte menacée par les turcs. Ce sursis sera de courte durée, il est renvoyé à Paris après quelques mois sur l'île de Malte, la menace turque n'étant finalement qu'une fausse alerte.

De retour à la case départ, sans projet et avec le peu d'argent qu'il a pu mettre de côté en quelques mois, il doit urgemment trouver une source de revenu. Il tente de donner des cours particuliers de mathématiques aux jeunes de la bourgeoisie, sans succès. Acculé, Bernardin de Saint-Pierre parvient à emprunter de l'argent et part en Russie, persuadé que l'herbe y sera plus verte.

L'homme à femmes, un voyage tumultueux et érotique (1762-1765)

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Catherine II de Russie

Après une escale en Hollande, il se rend à Saint-Pétersbourg. L'impératrice Catherine II de Russie, élevée en français par une française, Babette Cardel, est bien connue pour avoir à l'égard des français une grande dilection. Misant sur les sentiments de l'impératrice, Bernardin de Saint-Pierre espère obtenir les fonds nécessaires à un voyage d'exploration. Elle lui accorde une audience durant laquelle il fait forte impression, Catherine II lui confirme que son projet sera étudié et lui propose même de le loger en attendant.

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Grigori Orlov

Catherine II de Russie fait d'ailleurs un peu plus que loger Bernardin de Saint-Pierre, le retrouvant la nuit afin de lui montrer toute l'étendue de sa passion pour la France... délaissant quelque peu l'aristocrate Grigori Orlov, son amant de toujours. Grigori Orlov est d'ailleurs à l'origine du complot qui force le Tsar Paul III, époux de Catherine II, a abdiquer cette même année, permettant ainsi à celle-ci de prendre le pouvoir. Raison pour laquelle elle n'est pas seulement l'épouse du tsar mais l'« Impératrice de toutes les Russies ».

En attendant la réponse pour son projet, Bernardin de Saint-Pierre est consulté durant près de deux ans par le gouvernement russe en sa qualité d'« ingénieur militaire », fréquentant le gratin diplomatique et militaire de la Russie. Il reçoit quelques émoluments à ce titre, environ 1500 roubles, ce qui est loin de rembourser ses dettes contractées en Russie mais lui permet de gagner du temps.

Le projet est finalement refusé, les exigences de Bernardin de Saint-Pierre étant jugées très excessives. Pour le concerné, une attente si longue signifiait forcément une issue heureuse, il prend alors très mal ce refus. Voyant sa rancoeur à l'encontre de la Russie, l'ambassadeur de France lui suggère de tenter sa chance en Pologne.

Après l'échec russe, il se dirige donc vers Varsovie en 1764, espérant obtenir les faveurs de la Famille Radziwill, l'une des plus riches familles de Pologne et farouchement anti-russe. Sa prospection est vaine mais la princesse Marie Miesnik se montre avec lui d'une hospitalité torride... La princesse étant très belle, il s'attarde malgré l'échec de sa prospection afin de profiter encore un peu de son hospitalité.

Mais l'affaire éclate au grand jour après quelques mois et Bernardin de Saint-Pierre le paye cher. Honni par les polonais qui prennent très mal cette idylle, il vit sous la menace d'être déporté d'un jour à l'autre dans un camp en Sibérie. Il parvient de justesse à s'enfuir et se réfugie en Allemagne.

Il tente de se mettre au service du Royaume de Saxe, l'état le plus peuplé de l'Empire allemand et se rend alors à Dresde, sa capitale. Son séjour est de très courte durée, une nouvelle idylle interdite, dont on ne connaît cette fois pas les détails, lui ferme toutes les portes. Il part pour Berlin, mais sa réputation le précédant après l'affaire de Dresde, il comprend dès son arrivée que sa cause est perdue. Bernardin de Saint-Pierre se résout à revenir en France.

Un siècle plus tard, l'Allemagne est un pays qui ne réussira pas non plus à Joseph Monier.

Le retour en France (1765-1768)

Une fois de plus, pour Bernardin de Saint-Pierre, c'est un retour à la case départ, à Paris, sans argent. Pire, il est désormais lourdement endetté, en plus de ses créanciers parisiens qu'il est incapable de rembourser, il doit de l'argent à des créanciers étrangers sollicités durant son voyage. Toujours persuadé que la solution est à l'étranger, il cherche à repartir. Mais sans surprise, il ne trouve personne pour lui avancer l'argent nécessaire.

Bernardin de Saint-Pierre se dit alors que les années qu'il vient de vivre sont assez romanesques pour faire un bon livre. Appuyé par un curé qui le loge pour une somme très symbolique, il se retire à Ville-d'Avray et commence le récit de son voyage, profitant au passage de la nature, savourant de pratiquer le jardinage à la campagne.

Service écosystémique ou l'importance de la biodiversité (1768-1770)

En 1768, après quelques années d'écriture peu fructueuses et sans avoir publié, Bernardin de Saint-Pierre obtient un brevet de capitaine-ingénieur et part pour l'île Maurice, à l'époque colonie française baptisée l'île de France.

Espérant y trouver un lieu fertile et sauvage pour de nouvelles aventures, Bernardin de Saint-Pierre déchante, la nature est largement domestiquée. Les chantiers de construction fleurissent partout, on y pratique une agriculture intensive et la déforestation progresse à une allure très inquiétante.

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Pierre Poivre

Il se révolte auprès de l'intendant, Pierre Poivre, obtenant une audience où il lui expose la nécessité d'exploiter raisonnablement la nature, de préserver les arbres et de ne cultiver les sols que parcimonieusement. À ce rythme, la nature sera bientôt épuisée et mettra des décennies à renaître. La diversité des espèces sera largement réduite, tant pour la faune que pour la flore.

Cet accès de colère environnementaliste est une première du genre, Bernardin de Saint-Pierre fait naître ce jour là le concept de « service écosystémique », en d'autres termes, la notion de biodiversité et l'importance de sa protection. Après la naissance de l'agronomie sous l'impulsion d'Olivier de Serres, c'est la naissance d'un nouveau grand concept.

Pierre Poivre écoute Bernardin de Saint-Pierre avec intérêt et adhère à ce nouveau mode de pensée. Il ne peut sans doute influer que modérément sur les dégâts en cours, mais botaniste de formation, il met ses compétences au service de la cause. Il développe des pépinières, crée des espaces protégés, des jardins, notamment le jardin de pamplemousses en 1770 et acclimate des plantes. Il deviendra lui-même un défenseur de la théorie, y compris en France métropolitaine lorsqu'il reviendra à Lyon en 1772.

Toutefois, si durant son séjour Bernardin de Saint-Pierre défend ardemment la nature, on ne peut en dire autant de la population noire qu'il est accusé de « maltraiter », sans que l'on en sache davantage. Afin d'éviter d'éventuelles complications, il est ramené à Paris en 1770.

L'auteur (1770-1789)

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Jean le Rond D'Alibert, Julie de Lespinasse et Jean-Jacques Rousseau.

à son retour à Paris, les aventures de ce personnage un peu excentrique commencent à intriguer du beau monde. Bernardin de Saint-Pierre fréquente D'Alibert, Julie de Lespinasse, Rousseau etc. Il se lie particulièrement d'amitié avec Jean-Jacques Rousseau, qui partage son amour pour le jardinage, la nature et la ruralité ; méprisant les grandes villes, même si elles sont un passage obligé dont ils s'accommodent peu ou prou.

En 1773, Bernardin de Saint-Pierre publie son premier livre « Voyage à l'île de France, à l'île Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, par un officier du roi ». Le succès en est confidentiel mais les critiques prometteuses. Il travaille ensuite sur « études » qui paraît en 1784 et qui le propulse au rang de véritable vedette, à 47 ans, il connaît enfin le succès qu'il espérait tant.

Révolution française 1789 (1789-1800)

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Claude Joseph Vernet

En 1789, juste avant les événements, il publie « Paul et Virginie », l'un de ses plus gros succès. Ce livre s'exporte et lui donne une renommée internationale. Bernardin de Saint-Pierre hésitait pourtant à le faire publier et ne l'aurait sans doute pas fait si le peintre Claude Joseph Vernet, amoureux du livre qu'il pu lire en primeur, n'avait pas lourdement insisté pour qu'il le fasse.

En 1792, Il épouse Félicité Didot de 23 ans sa cadette. Son amour pour la botanique, le jardinage et la nature lui vaut d'être nommé intendant du Jardin des Plantes de Paris la même année, grande fierté française du siècle d'André Le Nôtre.

Il devient ensuite professeur à l'école normale de l'an III en 1794 et membre de l'Institut de France en 1795.

Sur le plan politique, d'abord assez peu intéressé par le sujet, il prend mollement position pour la République. Ses convictions ne viendront qu'à la fin des années 90 et seront très tranchées, devenant même un anticlérical assumé, partisan de la théophilanthropie.

Les dernières années de Bernardin de Saint-Pierre (1800-1814)

En 1800, veuf, il se remarie avec Désirée de Pelleport, tout comme sa première épouse, de plusieurs décennies sa cadette.

En 1803, il est élu à l'Académie française.

Il se retire ensuite dans sa maison de campagne à Éragny qu'il ne quitte qu'en de rares occasions, préférant le calme rural, les promenades dans la nature, le jardinage, la compagnie de son épouse. Toujours très actif avec sa plume, il continue d'écrire et publiera jusqu'à sa mort.

En 1814, le père du service écosystémique s'éteint, après une vie d'aventurier à la hauteur de ses rêves d'enfant.

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Publié par sur Jardin Secrets le 03-08-2014

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