André Le Nôtre : Biographie
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Né le 12 mars 1613
Décédé le 15 septembre 1700
Jardinier paysagiste et architecte
Créateur du Jardin à la française
Les vertes années d'André Le Nôtre (1613-1635)
André Le Nôtre est né à Paris dans une grande famille de jardiniers. Son père et son grand-père paternel étaient jardiniers du roi, son grand-père maternel était également jardinier. L'ancien contrôleur général des jardins du roi et l'épouse de Claude Mollet, premier jardinier du roi, ami de l'agronome Olivier de Serres et collègue du père d'André Le Nôtre, sont choisis comme parrains.
La famille Le Nôtre n'appartient pas à la noblesse mais gravite autour et jouit d'un certain statut social. André Le Nôtre grandit ainsi dans un milieu privilégié où il croise parfois le roi, quelques grandes personnalités de la Cour de France ainsi que de grands peintres et artisans.
Son père l'initie très tôt au jardinage en l'amenant avec lui sur son lieu de travail, qui n'est autre que le jardin des tuileries. Mais l'éducation d'André Le Nôtre ne s'arrête pas au jardinage, profitant de leurs relations en haut lieu, ses parents l'initient aux arts en le plaçant comme disciple auprès des plus grands.
C'est auprès de Simon Vouet qu'André Le Nôtre commence son apprentissage, peintre baroque de stature internationale. Ce rayonnement débute en Turquie où Vouet est invité par le baron de Sancy, ambassadeur de France. Ce séjour l'amènera à peindre un portrait de Mustafa 1er. Simon Vouet vit ensuite en Italie où il est très apprécié du Vatican qui lui passe de nombreuses commandes. Côtoyant le cardinal Barberini, futur pape Urbain VIII, travaillant sur la décoration de la Basilique Saint-Pierre ainsi que plusieurs églises et cathédrales, il est considéré comme l'un des plus grands de son époque.
De retour en France, il est nommé premier peintre du roi et réalise des portraits, des cartons de tapisserie et des peintures pour les palais du Louvre et du Luxembourg ainsi que pour le Château de Saint-Germain-en-Laye ; du cardinal de Richelieu en passant par le duc d'Aumont, son coup de pinceau fait par ailleurs l'objet des plus grandes convoitises.
Simon Vouet, Charles Le Brun et Louis Lerambert
André Le Nôtre apprend le dessin dans les ateliers de Vouet, où il a notamment comme professeur Charles Le Brun qui succédera à Vouet comme premier peintre du roi. Par la suite, remarquant le talent du jeune Le Nôtre, Simon Vouet demande à Louis Lerambert de lui enseigner la sculpture.
Francois Mansart (à gauche) en compagnie de Claude Perrault (médecin et architecte)
Son apprentissage, André Le Nôtre le poursuit auprès de François Mansart, précurseur de l'architecture classique. Personnage à la rigueur réputée obsessionnelle, perpétuellement insatisfait de son travail malgré son prestige. André Le Nôtre apprend à ses côtés la perspective et développe un penchant maladif pour la rigueur et l'élégance.
Tout ce savoir acquis, le jardinage, le dessin, la sculpture, la perspective et l'élégance, André Le Nôtre en fera une synthèse quelques années plus tard qui révolutionnera le jardinage et fera de la France un modèle pour les grands jardins de l'Europe entière, en plus d'une source d'inspiration pour les plus grands jardiniers, tel Édouard André: le jardin à la française.
Les grands débuts dans le jardinage (1635-1640)
Gaston de France
C'est en 1635 à 22 ans qu'André Le Nôtre fait ses grands débuts en tant que premier jardinier de Gaston de France, frère du roi Louis XIII.
Élégant et courtois à de prime abord, Gaston de France est en réalité un débauché et un comploteur, très porté sur la boisson, joueur et dont l'ambivalence est bien connue du milieu libertin. Lorsqu'il ne participe pas à des parties fines, il complote contre son frère Louis XIII, le cardinal de Richelieu, Anne d'Autriche ou encore le cardinal Mazarin. Loin d'avoir le talent de Machiavel, Gaston de France échoue systématiquement mais parvient toujours à se dérober en dénonçant ses complices.
En tant que premier héritier de la couronne, Louis XIII n'ayant pas d'enfant, il peut compter sur un crédit financier qui lui permet de mener grand train. Il entreprend ainsi de reconstruire le Château de Blois et a de grandes ambitions pour ses jardins de Saint-Cloud et du Luxembourg, jardins qu'il confie à André Le Nôtre. Mais en 1638, la naissance inespérée de son neveu, le futur Louis XIV, lui fait perdre son statut de premier héritier et le crédit financier qui l'accompagne.
Durant cette courte période de trois ans, André Le Nôtre se distingue pour la première fois. En plus des jardins dont il a la charge, il dessine le jardin du château de Philippe de Kessel, seigneur de Wattignies. Malgré son jeune âge, Le Nôtre y impose son style: allées en angle aigus, sculptures, dégradé et perspective. En 1638, il perçoit d'importants revenus issus de cette première réalisation et acquiert une certaine notoriété ; il quitte alors Gaston de France qui n'a de toute façon plus les moyens de ses ambitions.
Oui, je le veux et l'ascension fulgurante d'André Le Nôtre dans le jardinage (1640-1661)
En 1640, bien que n'étant pas issu de la noblesse, il épouse à 27 ans Françoise Langlois, fille du gouverneur des pages de la Grande Écurie dont la famille appartient à la noblesse militaire depuis des siècles. De ce mariage, André Le Nôtre n'obtiendra aucune descendance, ses trois enfants n'ayant pas atteint l'âge adulte.
En 1643, Louis XIII nomme André Le Nôtre « dessinateur des plants et parterres » et lui assigne l'intégralité des jardins du roi. Louis XIII, atteint de la maladie de Crohn, se sait mourant et utilise ses derniers mois pour accroître les responsabilités de personnages clés ou au contraire restreindre celles de ceux qu'il mésestime (notamment son épouse). Cette nomination dans ce contexte en dit long sur la dilection du souverain à son égard.
Château de Maisons
André Le Nôtre se met immédiatement au travail et enchaîne les chantiers. Les jardins du château de Gagny, du château de Maisons (aujourd'hui Maisons-Laffitte) et du château de Fontainebleau sont les premiers sur lesquels il officie, contribuant par ailleurs à la restauration des jardins de Meudon et des jardins de Saint-Cloud.
Le Château de Maisons est l'occasion pour André Le Nôtre de retrouver son ancien maître, l'architecte François Mansart. Le projet est si considérable qu'il faudra dix ans d'efforts pour venir à bout du château et encore deux décennies pour achever l'ensemble ; soit les grandes écuries, les parcs, les jardins, les entrées du parc et diverses annexes. De plus, Mansart et Le Nôtre sont impitoyables, déterminés à faire de ce projet une oeuvre, n'hésitant pas à faire démolir puis reconstruire ce qui ne leur convient pas. Si l'on en croit Charles Perrault, l'auteur de la Belle au bois dormant, du Petit chaperon rouge, de Cendrillon, du Petit Poucet ou encore de Barbe bleue, l'ambition des deux hommes d'aboutir à une oeuvre a été satisfaite: « une beauté si singulière qu'il n'est point d'étranger qui ne l'aille voir comme l'une des plus belles choses que nous ayons en France ».
Château de Vaux-le-Vicomte
En 1656, Nicolas Fouquet, surintendant des finances et procureur général au parlement de Paris convoque André Le Nôtre en vue d'obtenir sa participation à la construction de sa résidence, le château de Vaux-le-Vicomte. Nicolas Fouquet entend bien en faire un lieu prestigieux, s'appuyant sur un quatuor de choc déjà formé une première fois en 1651 pour le château de Vincennes: Le Nôtre à l'aménagement paysager, Le Brun à la décoration, Le Vau à l'architecture et Villedo, ancêtre professionnel de Joseph Monier, à la construction. Encore une fois, Le Nôtre retrouve un ancien maître en la personne de Charles le Brun qui fut chargé de son apprentissage dans les ateliers de Vouet.
La construction du Château de Vaux-le-Vicomte dure cinq ans, s'achevant en 1661 sur un résultat de toute beauté, à tel point que Louis XIV, prêt à tout pour s'accaparer le château, fait arrêter et destituer Nicolas Fouquet la même année et le fait condamner à l'emprisonnement à vie. Le château est alors « confisqué » pour le plus grand bénéfice de Louis XIV qui s'acharnera ensuite à annuler toutes les décisions de justice visant à faire libérer Fouquet. C'est seulement à titre posthume que Nicolas Fouquet sera réhabilité.
Pour l'anecdote, le Château de Vaux-le-Vicomte est aujourd'hui la plus grande propriété privée classée « monument historique ».
Un jardinier international et anobli, grandeur du jardin à la française (1661-1675)
Jardins de Versailles
En 1661, après l'arrestation de Nicolas Fouquet, Louis XIV confie à André Le Nôtre les Jardins de Versailles. Cette mission est un double défi ; d'une part car le mandat est de faire de ce jardin le plus prestigieux d'Europe, d'autre part car le jardin n'est pour le moment qu'un immense terrain marécageux, totalement inexploitable en l'état. Afin de pouvoir travailler, il faut d'abord consacrer un temps important à l'assèchement du terrain, de sorte que les premières plantations puissent avoir lieu. Louis XIV donne ensuite carte blanche à Le Nôtre et celui-ci le prend au mot, recrutant des ouvriers et des jardiniers par centaines, possiblement plus de mille.
Louis XIV est pressé, aussi l'heure n'est pas au bouturage ou au greffage, André Le Nôtre fait déraciner des arbres adultes partout en France pour les replanter à Versailles. Les ormes et les tilleuls viennent par exemple de Compiègne, les hêtres et les chênes du Dauphiné et ironiquement, les pépinières du domaine du Château de Vaux-le-Vicomte sont également mises à contribution.
Lentement mais sûrement, André Le Nôtre donne vie aux Jardins de Versailles, déployant son style où la nature est totalement apprivoisée ; labyrinthes, théâtres de verdure, parterres de fleurs géométriques, allées rectilignes et bassins symétriques. Le Nôtre s'inspire même des travaux de Descartes dans les sciences et les mathématiques pour créer des illusions d'optique avec les bassins et les terrasses et fait creuser le Grand Canal, un bassin de 23 hectares borné de rangées d'ormes. Les plus grands sculpteurs sont mis à contribution et les Jardins de Versailles prennent peu à peu des allures de musée en plein air, Antoine Coysevox, François Girardon, Jean-Baptiste Tuby, Balthazar Marsy, Gaspard Marsy, Martin Carlier, tous répondent présents à l'appel du jardinier.
Après des années de travaux et de jardinage, le résultat est spectaculaire. André Le Nôtre a fait poser plus de 150.000 plantes, 1400 jets d'eau et fontaines, 30km de canalisations qui fournissent 800 mètres cubes d'eau par heure durant les grandes eaux, des centaines de statues, vases et groupes sculptés. Louis XIV impressionne l'Europe entière, le jardin à la française s'impose et André Le Nôtre reçoit des propositions d'Italie et d'Angleterre.
Les plantes les plus exposées sont:
Arbres remarquables: Platane au pied d'éléphant, Cèdre du Liban, Catalpas, Cyprès chauve, Sophora Japonica, Tulipier de Virginie et Sequoïa.
Arbres d'alignement: Marronniers, charmille, tilleuls, platanes, peupliers, aulnes et charmes.
Arbres fruitiers: Orangers, agrumes en général, grenadiers, pamplemoussiers, poiriers, pommiers, groseilliers, framboisiers, cassissiers, kiwis, pêchers, pruniers et châtaigniers.
Arbustes: Charmille, buis et ifs.
Plantes vivaces: Asters, astilbes et pivoines.
Un tel bilan vaut à André Le Nôtre d'être anobli par Louis XIV en 1675 et de recevoir l'ordre de Saint-Michel. En 1679, le pape lui-même demande à rencontrer Le Nôtre qui ne changera rien à la bonhomie qui le caractérise en sa présence, se permettant même de le faire rire en déclarant « Mon révérend Père, vous vous portez bien, vous enterrerez tout le Sacré Collège » avant de l'embrasser sur les deux joues. Une telle désinvolture en présence du pape coûtera d'ailleurs mille louis au duc de Créquy qui avait parié avec Louis XIV que cette scène était fausse.
Les dernières années d'André Le Nôtre (1679-1700)
En 1681, André Le Nôtre entre à l'Académie royale d'architecture et continue de travailler sur de nombreux projets, tant pour le roi que pour une clientèle prestigieuse composée de français, d'italiens, d'allemands et d'anglais. Durant cette période, de grands noms émergent, tel Joseph Pitton de Tournefort, sans doute s'intéresse-t-il aussi à cette nouvelle vague de botanistes et de jardiniers.
Mais à mesure que le temps passe, ses relations avec le roi se compliquent, Louis XIV est de plus en plus directif alors qu'André Le Nôtre aime avoir le champ libre dans son travail. Ne supportant plus que le roi-Soleil s'immisce ainsi et ne souhaitant pas aller à la confrontation, Le Nôtre se retire en 1693 dans sa maison près du pavillon de Marsan dans le palais des Tuileries, arguant qu'à 80 ans, l'énergie commence à lui manquer. Par ailleurs, Louis XIV a l'esprit occupé par Charles Plumier qui revient tout juste des Amériques, offrant une porte de sortie au jardinier.
Il demeurera cependant très actif jusqu'à sa mort, s'occupant lui-même de son propre jardin et surtout, de divers projets qu'il dirige de chez lui, envoyant ses instructions par écrit. Deux ans avant sa mort, il envoyait à Guillaume III d'Angleterre des plans pour le somptueux château de Windsor.
En 1700, âgé de 87 ans, André Le Nôtre, né fils de jardinier, s'éteint en noble et acteur de l'histoire de France.
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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Jardin Secrets le 06-07-2014